Yannis Lantheaume Avocat
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Autorisation de travail et refus de visa salarié, attention à l’adéquation homme/poste !

Droit des étrangers

Dans un précédent post de blog, nous nous étions interrogés sur la possibilité pour un consulat de rejeter la demande de visa long séjour « salarié » d’un étranger pourtant titulaire d’une autorisation de travail délivrée par la DIRECCTE.

Une réforme est intervenue en avril 2021 qui a modifié en profondeur la procédure de demande d’autorisation de travail, ainsi que les critères de délivrance d’une telle autorisation.

Indirectement, cette réforme a également eu des conséquences sur l’analyse par les autorités consulaires des demandes de visa « salarié ».

Ici, nous faisons donc un point sur la réforme un an et demi après son entrée en vigueur, et, surtout, sur les précautions à prendre au moment du dépôt de la demande de visa long séjour « salarié ».

***

La réforme d’avril 2021

Si l’on devait résumer la réforme intervenue en avril 2021, l’on pourrait dire qu’elle revêt trois aspects principaux : dématérialisation de la procédure de demande d’autorisation de travail, simplification des démarches, et amélioration des délais de traitement.

Dématérialisation d’abord, car désormais l’entière procédure se fait en ligne, sur le site suivant : https://administration-etrangers-en-france.interieur.gouv.fr/particuliers/#/ (téléservice qui a d’ailleurs vocation, à terme, à regrouper l’ensemble des démarches administratives qui pourront être faites par les ressortissants étrangers résidant en France, comme les demandes de titre de séjour, demandes de naturalisation, de DCEM, etc.).

Quand le système fonctionne (ce qui n’est pas toujours le cas…), c’est une modification heureuse car concrètement un employeur peut, en une quinzaine de minutes, formuler sa demande d’autorisation de travail directement sur Internet.

Auparavant, il fallait envoyer un dossier « papier » en courrier recommandé à la DIRECCTE, qui en accusait réception parfois plusieurs semaines après, en demandant toute une série de pièces complémentaires.

La procédure était longue et particulièrement lourde.

Désormais, la demande se fait donc intégralement en ligne, de même que les échanges avec l’administration (demande de pièces complémentaires…).

La décision d’acceptation de la demande d’autorisation de travail, ou de rejet de cette demande, est transmise à l’employeur par courriel.

Simplification ensuite, car le nombre de documents à fournir pour le dépôt d’une demande d’autorisation de travail a été significativement revu à la baisse.

Concrètement, afin de formuler sa demande en ligne, un employeur doit se munir de seulement trois pièces différentes, qu’il lui faudra uploader sur le site : le passeport du salarié ou sa carte d’identité, l’annonce déposée sur le site de Pôle emploi (quand la situation de l’emploi est opposable), et l’attestation de clôture de l’offre par Pôle emploi. Un quatrième document peut éventuellement être nécessaire : un mandat de représentation lorsque la demande d’autorisation de travail est formulée au nom de l’employeur par un tiers.

S’agissant des informations à transmettre l’administration sur la plate-forme de dépôt d’une demande d’autorisation de travail, il faudra préciser le numéro de Siret de l’entreprise, l’état civil du gérant, son numéro de téléphone, l’état civil du salarié, son numéro de téléphone et son adresse de courriel, son numéro de passeport, le type d’emploi proposé, le code Rome correspondant à l’emploi proposé, le niveau, l’échelon et le coefficient de cet emploi, le montant du salaire brut proposé, le montant du salaire brut prévu par la convention collective, et la date de début prévisible du contrat de travail.

Amélioration des délais de traitement enfin, car dans l’immense majorité des cas, l’autorisation de travail est accordée en quelques semaines, parfois même quelques jours.

Globalement, un effort conséquent a donc été fait afin de faciliter l’embauche d’un salarié étranger, effort tout particulièrement appréciable au moment où la pénurie de main-d’œuvre augmente en France.

Cette réforme ne va pas néanmoins sans quelques inconvénients, tout particulièrement le fait que depuis son entrée en vigueur, le nombre de refus de visa « salarié » a explosé…

Délivrance d’une autorisation de travail ne signifie pas nécessairement acceptation du visa « salarié »

Une demande d’autorisation de travail peut parfaitement être effectuée par une entreprise souhaitant recruter un étranger résidant régulièrement sur le territoire français (dans le cadre d’un changement de statut par exemple).

Mais nous évoquons ici un autre cas de figure, celui de l’entreprise qui souhaite recruter un étranger résidant dans son pays d’origine, via la procédure d’introduction de main-d’œuvre étrangère.

Cela signifie donc qu’une fois l’autorisation de travail obtenue, le futur salarié devra encore demander un visa long séjour auprès des autorités consulaires françaises de son pays, afin de rejoindre régulièrement le territoire français.

Auparavant, lorsqu’une demande d’autorisation de travail se faisait auprès de la DIRECCTE, il fallait que l’entreprise justifie des diplômes du salarié qu’elle souhaitait recruter, et qu’elle démontre qu’ils étaient en adéquation avec le poste qu’elle lui proposait.

Si la personne n’avait pas de diplôme, il fallait pour l’employeur pouvoir démontrer qu’elle avait une expérience professionnelle suffisante lui permettant d’occuper le poste proposé.

Bref, il fallait démontrer ce que l’on appelle l’adéquation homme/poste.

Depuis avril 2021, ce critère a disparu, sauf pour les étudiants.

Par conséquent, il est devenu plus simple pour un employeur d’obtenir une autorisation de travail pour un ressortissant étranger.

Sauf que désormais, lorsque ce dernier réside encore dans son pays, ce sont les autorités consulaires, encore plus qu’avant, qui se sont arrogé le droit d’opérer un contrôle de l’adéquation homme/poste.

Quelles précautions prendre au moment du dépôt de la demande de visa « salarié » ?

Dans ces conditions, il devient donc impératif pour l’étranger titulaire d’une autorisation de travail souhaitant rejoindre en France l’entreprise qui a accepté de le recruter de prendre quelques précautions au moment du dépôt de sa demande de visa « salarié ».

Dans le cadre des dossiers traités au cabinet, nous avons pu constater qu’un grand nombre de refus était dû au fait que la personne n’avait pas justifié de ses diplômes et/ou de son expérience professionnelle antérieure.

Dans ce type de cas, il peut donc être intéressant, en cas de rejet de la demande de visa, plutôt que de faire un recours contre ce refus, de formuler une nouvelle demande de visa « salarié » plus étayée, en fournissant ses diplômes, la preuve de ses qualifications, un certificat de travail, ses anciens contrats de travail, ses bulletins de salaire, etc.

Il peut également être opportun que l’employeur, en France, rédige un courrier d’accompagnement que le salarié joindra à sa nouvelle demande de visa, dans lequel il expliquera les raisons pour lesquelles il souhaite embaucher ce salarié (difficultés de recrutement en France, compétences de l’intéressé, spécificités du poste, etc.).

En revanche, si tous les justificatifs nécessaires ont été fournis au consulat, et que celui-ci rejette néanmoins la demande de visa long séjour mention « salarié », alors il ne reste plus qu’à saisir la commission de recours contre les refus de visa (CRRV) puis, très probablement, le tribunal administratif de Nantes, afin de contester la décision de refus de visa.

Une telle procédure est assez longue (environ 9 à 12 mois au total), mais il est possible de saisir le tribunal en référé pour essayer d’obtenir une décision plus rapide.

Dans ce cas, en revanche, il faudra justifier d’une situation d’urgence.

Pour une entreprise, cette urgence peut être la nécessité impérieuse de faire venir le salarié rapidement, car son absence génère des difficultés de fonctionnement au sein de la société, une désorganisation du travail, une perte de chiffre d’affaires, etc.

Prudence donc : réussir à obtenir une autorisation de travail c’est bien, mais la demande de visa de long séjour « salarié » n’est pas qu’une simple formalité, il faut la préparer en amont !

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Yannis Lantheaume
Avocat au barreau de Lyon
www.lantheaume-avocat.fr

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