Toute personne étrangère souhaitant venir en France pour une visite touristique, familiale, ou pour une raison professionnelle, doit disposer d’un visa « Schengen », c’est-à-dire d’un visa de court-séjour (valable pour une durée inférieure à trois mois), sauf si son pays est dispensé de visa.
Un des lieux communs les plus classiques, abondamment relayé par l’administration, est de dire qu’il n’existe aucun « droit » à un visa, l’acceptation de l’entrée en France d’un étranger restant une prérogative de l’Etat, qui pourrait décider comme bon lui semble de qui entre sur son territoire.
Tout d’abord, c’est beaucoup moins vrai depuis l’entrée en vigueur du code communautaire des visas en 2009, qui fixe « les procédures et conditions de délivrance des visas pour les séjours prévus sur le territoire des États membres d’une durée maximale de 90 jours sur toute période de 180 jours » (art. 1.1. du Règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009).
Ainsi, les conditions de délivrance des visas Schengen sont désormais définies au niveau supranational.
Le traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) donne en effet une compétence exclusive à l’Union européenne pour adopter les mesures portant sur la politique commune de visas et d’autres titres de séjour de courte durée (art. 77).
En outre, tout refus de visa doit être motivé.
Les autorités consulaires ne peuvent donc pas se contenter de dire arbitrairement qu’elles refusent la délivrance d’un visa Schengen. Il leur faut justifier leur choix, d’une part pour permettre au demandeur de comprendre le motif du refus, d’autre part pour permettre au juge d’exercer son contrôle de la légalité du refus de visa.
La Cour de justice de l’Union européenne a ainsi jugé que les États membres ne peuvent refuser la délivrance de visas Schengen que pour les motifs expressément énumérés à l’article 32 du code des visas, les autorités conservant toutefois une large marge d’appréciation en ce qui concerne les conditions d’application de ces dispositions et l’évaluation des faits pertinents en vue de déterminer si l’un de ces motifs de refus peut être opposé au demandeur (CJUE, G.C., 19 décembre 2013, Koushkaki, aff. C-84/12).
Cette motivation, qui oblige les autorités consulaires à justifier leurs décisions de refus, constitue une garantie pour le demandeur.
Enfin, et par contrepoint, si l’administration dispose d’un large pouvoir quant à l’appréciation des conditions à remplir pour la délivrance d’un visa Schengen, elle se trouve néanmoins en situation de compétence liée pour délivrer un tel visa lorsque lesdites conditions sont satisfaites (CJUE, G.C., 19 décembre 2013, ibid.).
En conséquence, le juge administratif exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’administration sur les ressources dont dispose un étranger lorsqu’elle refuse la délivrance d’un visa d’entrée en France au motif que l’intéressé ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, en application des dispositions de l’article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (CE, 10 janvier 2001, n°209782, Lebon T.), comme sur l’appréciation tenant au risque de détournement de l’objet du visa (par exemple : CE, 6 mai 2011, n°336997).
Autrement dit, et pour résumer, s’il n’existe pas de « droit » absolu à un visa Schengen puisqu’il faut remplir les conditions strictes de délivrance définies par le code communautaire des visas, les autorités consulaires sont toutefois tenues de délivrer le visa demandé dès lors que ces critères sont satisfaits et qu’aucun autre motif valable ne fait obstacle à la délivrance du visa (menace à l’ordre public, risque de détournement de l’objet du visa…).
D’une certaine manière, il existe donc bien un « droit » à l’obtention d’un visa Schengen.