Yannis Lantheaume Avocat
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Procédure administrative contentieuse

Droits et libertés

Procédure administrative contentieuse : appel d’une ordonnance de référé-liberté donnant acte d’un désistement partiel.
(CE, 2e – 7e ch. réunies, 1er avr. 2019, n° 426228, Lebon T.)

Par une décision mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a récemment été amené à préciser le régime de l’appel d’une ordonnance de référé-liberté, lorsque le juge des référés saisi en premier ressort a donné acte d’un désistement partiel d’instance.

Les faits de l’espèce sont assez simples.

J’avais saisi le tribunal administratif de Lyon en référé-liberté pour qu’il soit enjoint au préfet du Rhône :

1/ de reprendre l’instruction de la demande de titre de séjour d’un ressortissant algérien titulaire d’un titre de séjour « commerçant » ;

2/ de lui délivrer sans délai un récépissé l’autorisant à travailler.

Le tribunal était également saisi de conclusions aux fins de mise à la charge de l’État d’une somme au titre des « frais de procès » engagés par mon client.

Quelques heures avant l’audience, le préfet du Rhône avait délivré une convocation à l’intéressé et s’était engagé à lui remettre un récépissé.

Je m’étais donc désisté de mes conclusions à fin d’injonction, qui avaient perdu leur objet.

J’avais en revanche maintenu mes conclusions à fins de condamnation de l’État au versement d’une somme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, argumentant que la préfecture ne s’était exécutée qu’une fois le tribunal saisi, et qu’il n’y avait donc aucune raison que les frais de procès restent à la charge du requérant.

Par une ordonnance du 6 décembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon donnait acte au requérant de son désistement de ses conclusions à fin d’injonction, et rejetait sa demande formée sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Nous interjetions alors appel devant le Conseil d’État de l’ordonnance de référé en tant qu’elle avait rejeté les conclusions de Monsieur A. A. relatives à la demande de mise à la charge de l’État des frais de procès.

Le Conseil d’État rejette la requête, en s’attardant très peu sur ce point.

Il s’intéresse en revanche à un autre aspect du litige, plus procédural, qui vaut à l’arrêt d’être mentionné aux Tables.

Il vient rappeler l’articulation entre les dispositions des articles L. 521-2 et L. 522-3 (rejet au tri, sans contradictoire ni audience) du code de justice administrative.

Surtout, il précise les effets d’un audiencement puis d’un désistement ou d’un événement rendant sans objet la requête sur les possibilités ultérieures d’interjeter appel de la décision du juge des référés.

La première partie du « considérant » (mais portent-ils encore ce nom depuis la réforme de la motivation des jugements ?) correspond à la position classique du Conseil d’État depuis sa décision de Section Société les Belles Demeures du Cap-Ferrat: il n’est plus de possible de rejeter au tri une requête une fois que le juge des référés a décidé d’instruire celle-ci de manière contradictoire et de tenir une audience.

La deuxième partie reprend la solution de l’arrêt SAS Therabel Lucien Pharma, qui apportait un tempérament à la décision Société les Belles Demeures du Cap-Ferrat en posant comme principe que le juge des référés, après avoir décidé de la tenue d’une audience, pouvait toutefois revenir sur sa décision lorsqu’intervenait préalablement à l’audience « un désistement ou un évènement rendant sans objet la requête ».

Dans l’arrêt du 1er avril 2019, le Conseil d’État précise que dans pareil cas, la décision rendue par le juge des référés est susceptible d’appel, puisqu’elle « n’entre dans aucune des hypothèses mentionnées par l’article L. 522-3 du code de justice administrative » (pour lesquelles seul un pourvoi en cassation est possible) :

« Lorsque le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative a estimé, au vu de la requête dont il est saisi, qu’il y avait lieu, non de la rejeter en l’état pour l’un des motifs mentionnés à l’article L. 522-3 du code de justice administrative, mais d’engager la procédure prévue à l’article L. 522-1 de ce code, il lui incombe de poursuivre cette procédure et, notamment, de tenir une audience publique. Il en va différemment lorsque, après que cette procédure a été engagée, intervient un désistement ou un évènement rendant sans objet la requête. Dans ce cas, le juge des référés peut, dans le cadre de son office, donner acte du désistement ou constater un non-lieu sans tenir d’audience. La décision qu’il rend, qui n’entre dans aucune des hypothèses mentionnées par l’article L. 522-3 du code de justice administrative, est susceptible d’appel devant le juge des référés du Conseil d’État, en application du deuxième alinéa de l’article L. 523-1 de ce code ».

En somme, l’élément générateur de la possibilité d’interjeter appel d’une ordonnance de référé-liberté est la décision du juge d’instruire contradictoirement la requête et de fixer une audience, peu importe les événements ultérieurs (désistement, non-lieu…).

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