Yannis Lantheaume Avocat
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Regroupement familial dans le Rhône : agir (encore plus) vite !

Droit des étrangers

Dans un précédent post de blog, nous avions expliqué qu’en matière de délais de traitement des demandes de regroupement familial, la préfecture du Rhône était en situation de KO technique.

Rassurez-vous, rien ne s’est amélioré depuis !

Les délais de traitement des demandes sont toujours aussi longs, et un groupe Facebook s’est même créé sur le sujet, avec pas moins de 1500 membres…

Les ressortissants étrangers souhaitant faire venir les membres de leur famille continuent d’attendre, leur détresse étant accrue par la fermeture actuelle des frontières. Les relations de ces familles se résument de plus en plus, et ce pendant des années, à des échanges WhatsApp, Viber, ou Skype…

La préfecture continue quant à elle de verser des dizaines de milliers d’euros chaque année – avec nos impôts… – à des demandeurs au regroupement familial qui ont exercé des recours devant le tribunal administratif de Lyon, alors qu’il suffirait d’embaucher quelques vacataires pour traiter les dossiers en souffrance, ce qui coûterait nettement moins cher.

Mais comme le disent les Shadoks : « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »…

Sur son site Internet, la préfecture du Rhône indique qu’à la date du 14 février 2020, elle est en train de traiter les dossiers de juin 2019.

Ce faisant, elle admet elle-même qu’elle ne respecte pas le délai de six mois fixé par la loi pour instruire une demande de regroupement familial.

Seul l’État peut ainsi proclamer fièrement le fait qu’il viole la loi !

Prudente, la préfecture précise toutefois : « Si vous avez déposé une demande de regroupement familial avant cette date et que vous n’avez pas encore reçu de réponse, nos services sont en train de la traiter et nous vous informerons prochainement, par courrier, de la décision prise. Si votre demande est parvenue après cette date, elle sera traitée prochainement. Il n’est donc pas nécessaire de contacter la Préfecture ou de vous y déplacer. Aucune information ne vous sera délivrée à ce stade de la procédure. Vous devez attendre de recevoir la décision du Préfet que vous recevrez par courrier recommandé. Si vous n’avez pas reçu ce courrier, cela signifie qu’aucune décision n’a été prise concernant votre dossier ».

Autrement dit : « nous traitons actuellement les dossiers datant d’il y a 20 mois, mais si le vôtre date d’il y a plus longtemps, ne vous inquiétez pas c’est normal, il faut attendre, une décision finira par arriver. D’ailleurs, arrêtez de nous enquiquiner en nous demandant où ça en est… »…

En réalité, non, il ne faut surtout pas attendre, sauf si vous estimez que la préfecture du Rhône a le droit de décider comme bon lui semble quand vous pourrez faire venir votre femme ou vos enfants.

Mais dans un Etat de droit, ce n’est pas l’autorité administrative qui décide, c’est le législateur, et le législateur a prévu un délai de six mois pour instruire une demande de regroupement familial (art. L. 421-4 du CESEDA), délai qu’est censé respecter une préfecture, même celle du Rhône.

Nous avions donc expliqué qu’il fallait agir vite : dès l’expiration des six mois mentionnés sur l’attestation de dépôt de demande de regroupement familial, il faut adresser un courrier de demande de communication des motifs du refus implicite au préfet du Rhône, qui doit y répondre dans un délai d’un mois. S’il ne répond pas, il faut attaquer le refus implicite de regroupement familial au tribunal administratif de Lyon, qui, actuellement, statue sur ce genre d’affaires dans des délais allant de six mois à un an.

Vous constaterez qu’en respectant ce vade-mecum, il est donc possible d’obtenir une décision de regroupement familial plus rapidement (de 13 à 19 mois), alors même que l’on saisit le tribunal, que si l’on laisse la préfecture du Rhône nous imposer ses délais (de 20 à 36 mois en moyenne).

Et il est même encore possible d’accélérer la procédure grâce aux référés, qu’il s’agisse du référé-suspension (il faut alors justifier d’une situation d’urgence) ou du référé-provision (par lequel on demande une sorte d’acompte sur le versement des dommages-intérêts demandés à la préfecture pour le refus implicite illégal de regroupement familial).

Et si nous avons déjà dit qu’il fallait agir vite, on précisera ici qu’il est même quasiment obligatoire d’agir vite si l’on ne veut pas attendre que la préfecture daigne traiter son dossier !

En effet, il a été jugé par la cour administrative d’appel de Lyon que si le recours n’était pas introduit dans le délai d’un an et demi suivant la date figurant sur l’attestation de dépôt de la demande de regroupement familial, il était tardif, et par conséquent irrecevable (CAA Lyon, 24 octobre 2019, n°19LY00158).

Pour un exemple concret : si, sur votre attestation de dépôt figure la date du 4 juin 2018, dans la mesure où cette attestation mentionne qu’en cas de non réponse dans un délai de six mois il s’agit d’un refus implicite, vous êtes censé avoir connaissance de ce refus à la date du 4 décembre 2018. Les voies de recours étant incorrectement mentionnées (le tribunal compétent n’est pas clairement indiqué), le délai de recours de deux mois dans lequel le tribunal doit normalement être saisi n’est pas applicable. Le demandeur dispose alors d’un délai d’un an (le délai fixé par la décision Czabaj du Conseil d’Etat du 13 juillet 2016, considéré comme un délai « raisonnable ») pour saisir le tribunal. Dans notre exemple, vous aviez donc jusqu’au 4 décembre 2019 pour saisir le tribunal.

Il est ainsi très important d’avoir tous ces délais en tête pour agir le plus efficacement possible.

Une porte de sortie demeure toutefois, si vous avez dépassé ce délai d’un an et demi depuis l’enregistrement de votre demande de regroupement familial.

En effet, il reste possible d’engager la responsabilité de l’État pour faute, celui-ci ayant implicitement refusé la demande de regroupement familial, ce qu’il ne pouvait pas faire si vous satisfaisiez à tous les critères.

Ici, c’est la prescription quadriennale qui s’impose, et il est donc possible d’engager la responsabilité de l’État dans un délai maximal de quatre ans à l’expiration des six mois figurant sur l’attestation de dépôt.

La première étape consiste à « lier le contentieux » en adressant à la préfecture du Rhône une demande indemnitaire préalable, par laquelle on matérialise la demande de dommages-intérêts.

L’autorité administrative dispose d’un délai de deux mois pour répondre à cette demande, ce qu’elle ne fera pas, puisqu’il est désormais acquis qu’une administration moderne ne répond à aucun courrier, quel que soit son émetteur…

Il est ensuite possible de saisir le tribunal administratif de Lyon d’un recours indemnitaire (recours de plein contentieux), et, surtout, pour plus d’efficacité, d’un référé-provision, par lequel on demande, comme il a été précédemment dit, une sorte d’acompte sur les dommages-intérêts.

Ces référés sont instruits assez rapidement par le tribunal, et généralement ce dernier laisse un délai d’un mois maximum au préfet pour répondre à ce recours, ce qui a souvent pour effet de débloquer la situation.

En effet, lorsque le service contentieux de la préfecture doit se défendre face à ce référé-provision, il envoie généralement la décision de regroupement familial à l’intéressé, et la transmet concomitamment au tribunal, afin de « limiter la casse » et ne pas être condamné trop lourdement.Vous l’aurez donc compris, la règle principale qu’il faut appliquer en matière de regroupement familial est la suivante :

1/ ne pas croire la préfecture du Rhône quand elle vous dit « c’est comme ça dans le Rhône » s’agissant des délais de traitement des dossiers ;

2/ se rapprocher d’un avocat dès l’expiration des six mois impartis à l’autorité administrative pour instruire la demande ;

3/ saisir le tribunal le plus rapidement possible, idéalement en référé, pour demander l’annulation et/ou la suspension du refus implicite de regroupement familial ;

4/ s’il est trop tard pour demander au tribunal d’annuler le refus implicite de regroupement familial, formuler une demande de dommages-intérêts à la préfecture, puis saisir le tribunal administratif d’un référé-provision

En bref, agir vite, très vite !

***

Yannis Lantheaume
Avocat au barreau de Lyon
www.lantheaume-avocat.fr

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