Un étranger se mariant avec un ou une Français.e doit, pour venir en France et demander la délivrance d’une carte de séjour « vie privée et familiale », demander au préalable aux autorités consulaires un visa. Hormis pour les ressortissants algériens, dont la situation est régie par l’accord franco algérien du 27 décembre 1968, il s’agira nécessairement d’un visa long-séjour, c’est-à-dire d’un visa d’une durée supérieure à trois mois (généralement un an).
Aux termes des 4ème et 5ème alinéas de l’article L. 211-2-1 du CESEDA (le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), « Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu’en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par les conjoints de Français et les étudiants dans les meilleurs délais ».
Ainsi, la demande de visa « conjoint de Français » est examinée en priorité, et sa délivrance est de droit, elle ne peut donc être refusée que s’il existe une annulation de mariage, mais aussi une fraude ou une menace à l’ordre public.
Très souvent, les autorités consulaires rejettent des demandes de visas en se bornant à indiquer : « Vous n’apportez pas la preuve de votre intention de mener une vie commune avec votre conjoint(e) français(e) ».
C’est ce que l’on appelle également le « défaut d’intention matrimoniale ».
Un tel motif de refus de visas est considéré comme légal – quand il est justifié – car au sens de l’article L. 211-2-1 du CESEDA, il correspond à la catégorie de la fraude.
Ainsi, alors même que le mariage a été régulièrement célébré, que le procureur de la République ne s’y est pas opposé, et qu’aucun document de communauté de vie n’a été demandé aux époux par le consulat, celui-ci peut décider de rejeter la demande en se fondant sur un simple a priori que rien ne vient étayer : l’absence de volonté de former un couple marié et de construire un projet de vie commun.
L’étranger qui se voit ainsi refuser un visa, et dont l’on conteste abruptement la volonté de mener une vie commune avec son épouse, se voit donc contraint de saisir la Commission de recours contre les refus de visa (CRRV, organisme grandement inutile, comme cela a été montré dans un précédent article).
Il devra donc ensuite saisir le tribunal administratif de Nantes, pour tenter de faire annuler la décision de refus de visa.
Fort heureusement, les juridictions administratives annulent de très nombreux refus de visas « conjoint de Français ».
En effet, dès lors qu’un couple est marié, il existe une présomption de vie commune, étant rappelé que la notion de « vie commune » est distincte de celle de « cohabitation ».
Un couple peut très bien justifier d’une vie commune (c’est un couple, qui a des projets communs, etc.), sans vivre sous le même toit (sans cohabiter donc).
Ainsi, « il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d’un ressortissant français dont le mariage n’a pas été contesté par l’autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale » (CE, ord., 8 sept. 2008, n° 318507).
Si l’administration entend renverser cette présomption, il lui faudra démontrer par exemple que « le mariage a été contracté à des fins étrangères à la vie conjugale » (CE, 10e ss-sect. jugeant seule, 16 févr. 2004, n° 246756).
Plus précisément, « s’il est établi de façon certaine lors de l’examen d’une demande de visa d’entrée en France motivée par la circonstance que le demandeur entend rejoindre un conjoint de nationalité française, que le mariage a été contracté dans le but exclusif de permettre, dans un premier temps, l’obtention du visa puis, ultérieurement, celle d’un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser à l’intéressé, sous le contrôle du juge, le visa sollicité » (CE, 2e ss-sect. jugeant seule, 12 nov. 2008, n° 311248).
L’administration doit ainsi justifier « d’éléments précis et concordants » (CE, 2e ss-sect. jugeant seule, 18 nov. 2009, n° 322585), et doit démontrer que le mariage « a été contracté dans le but exclusif d’obtenir un visa » (CE, 2 / 6 ss-sect. réunies, 9 nov. 1998, n° 169883).
En résumé, dès lors qu’une personne étrangère justifie de ce qu’elle est mariée avec un.e Français.e, c’est à l’administration de justifier des éléments qui la font douter de la réalité ou de la sincérité de l’union.
Elle doit acquérir la certitude, grâce à des éléments concrets et non de simples postulats ou a priori, que le ressortissant étranger s’est marié avec un.e Français.e dans le but exclusif d’obtenir un visa puis un titre de séjour.
En pratique, étant donné que l’administration se fonde sur de simples présomptions voire de complets a priori, elle ne parviendra que rarement à démontrer que le couple n’entend pas mener une vie maritale normale en France.
Bref, l’administration voit des mariages blancs partout…
Du coup, nombre de ses décisions sont annulées par les juridictions administratives, qui lui enjoint de délivrer le visa au ressortissant étranger, si le couple a tenu pendant ces longs mois de procédure…
Voir par exemple : TA Nantes, 19 mars 2019, n°1811270, ou TA Nantes, 20 novembre 2019, n°1906842.
On relèvera enfin que devant les tribunaux, pour justifier de la légalité des décisions de refus de visas, le bureau du contentieux de la sous-direction des visas ne s’honore pas par une défense digne de l’administration française.
La mauvaise foi le dispute à la complète acrimonie : les étrangers sont tous suspects de vouloir s’établir à bon compte sur le territoire français en dupant leur conjoint français, il n’y a jamais assez de preuves de vie commune, jamais assez de trajets entre les deux pays, jamais assez d’échanges WhatsApp…
Contester un refus de visa « conjoint de Français » est donc un long et parfois pénible combat pour un étranger, mais qui aboutit régulièrement à une issue positive.